Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Rose dans la vallée
Pages
Visiteurs
Depuis la création 116 938
Newsletter
Archives
5 février 2022

Anne Hidalgo: «Etre président, ce n’est pas la Star Ac»

.

Commençons par une question qui ne va pas vous plaire : pourquoi continuer cette campagne ?

Parce que je porte des idées, des valeurs, un projet. Parce que je suis la candidate légitime de cette gauche républicaine, sociale-démocrate, écologiste, qui a beaucoup apporté à notre pays en matière sociale, environnementale, qui a permis de grandes avancées sociétales. C’est cette gauche-là qui gagne partout en Europe, qui accepte d’être en responsabilité, de se confronter à la réalité pour pouvoir la changer.

Comment expliquez-vous ces très mauvais sondages ?

Je n’ai pas à les «expliquer». Je fais mon travail. La campagne commence à peine et intéresse peu de monde à cause du Covid, dans un contexte où la politique est présentée comme un show avec une prime à la vulgarité, l’outrance, la violence. Je ne serai jamais de ce côté-là. Je ne suis ni dans la protestation ni dans l’idée de faire prospérer une niche électorale. Cette gauche que j’incarne avance aussi des mesures bien plus radicales que celles la France insoumise.

Par exemple ?

Une augmentation de 15 % du smic. Et ce n’est pas un chiffre lancé comme ça en l’air ! Si l’augmentation des bas salaires avait suivi le même rythme que celle des hauts salaires, ils seraient de 15 % au-dessus du niveau d’aujourd’hui. Ce sont des mesures de rattrapage, mais très radicales. Autre exemple, sur l’écologie : je propose une planification, la prise en charge intégrale des frais de rénovation des logements pour éviter les passoires thermiques, la possibilité d’avoir, en leasing, un véhicule électrique au prix d’un véhicule thermique… Je m’adresse là aux classes moyennes, aux catégories populaires. J’incarne des propositions, des idées. Je suis donc légitime à porter cette candidature et je vais continuer. Voilà pourquoi je suis là et je serai encore là demain.

La gauche est pourtant très divisée et inaudible sur le fond. On imagine que, forcément, vous tentez d’analyser les raisons de ces difficultés… Y a-t-il eu, chez vous, une remise en question de votre campagne ?

Je suis dans le combat. Vous savez, je m’inspire beaucoup des sportifs de haut niveau. Ils regardent évidemment leurs adversaires mais ils sont surtout concentrés sur leur match, leur propre jeu. Comme eux, je suis organisée avec une équipe qui me soutient. Vous êtes des observateurs. Je suis dans l’engagement, pas le commentaire.

Les sportifs regardent aussi leurs performances. Vous êtes arrivés seulement cinquième à la Primaire populaire… Comment se remettre d’une telle contre-performance ?

(Elle sourit). Oh, on s’en remet très bien… Avec beaucoup de distance. Beaucoup de gens sincères se sont dit qu’il y avait dans cette primaire, peut-être, un chemin pour obtenir une union de toutes les gauches. Je l’ai aussi tentée ! Non pas avec cette Primaire populaire, mais en proposant des débats à gauche. Nous aurions ensuite organisé un vote pour nous départager. Ça ne s’est pas fait pour des tas de raisons. C’est une occasion ratée. Dont acte. En ce qui concerne la Primaire populaire, elle avait pour vocation de porter la candidature de Christiane Taubira.

Vous a-t-elle appelé ?

Elle m’a envoyé un texto. Je lui ai répondu très gentiment et très poliment.

Il n’y a donc pas de perspective de rassemblement entre vous…

Non. Absolument pas. Elle constitue malheureusement une candidature de plus et ajoute de la confusion.

Vous dites que c’est difficile de rendre audible des propositions de gauche. Lesquelles souhaitez-vous mettre en avant dans les prochains jours ?

J’ai présenté un projet qui propose de répondre à trois urgences : sociale, climatique et démocratique. Je fais 70 propositions qui dessinent à la fois une vision de la place de notre pays dans le monde et surtout un engagement fort sur la réduction des inégalités, le rétablissement, par le travail et les salaires, de la dignité des gens. Parmi elles, un «bouclier logement» : une allocation complémentaire permettant aux familles qui n’ont pas encore obtenu de logement social de ne jamais dépenser plus de 30 % de leurs revenus pour leur loyer. Je veux par ailleurs promouvoir une transition écologique juste, en aidant les Français à réduire leurs charges fixes (l’essence, le chauffage…) en diminuant les taxes. Je veux réparer nos services publics – l’éducation, la santé – ces amortisseurs d’inégalités, aujourd’hui très abîmés. Je veux investir dans notre jeunesse, qui est notre avenir, et lui faire confiance, en instaurant le minimum jeunesse dès 18 ans et en dotant chaque jeune de 18 ans de 5 000 euros pour réaliser son projet. Je compte réindustrialiser nos territoires en lançant des grandes odyssées industrielles et en nous fixant un objectif de 100 % d’énergies renouvelables. Cela nécessitera des investissements massifs, publics et privés. Enfin, je souhaite redonner confiance dans la Ve République. Je ne suis pas pour une Constituante. La Ve peut être modifiée dans ses pratiques avec un plus grand rôle pour le Parlement et les citoyens.

Selon une récente enquête du Cevipof, plus d’un tiers des anciens électeurs de François Hollande sont prêts à revoter pour Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat n’est-il pas devenu le débouché politique d’une partie de l’électorat social-démocrate français ?

Si, à Libé, vous qualifiez Emmanuel Macron de «social-démocrate», alors il faut revoir nos approches ! Ce gros tiers d’électeurs a tout de même été heurté par le mandat du Président sur des sujets éthiques, de droits humains – comme sur l’accueil des réfugiés – sur les libertés publiques avec, par exemple, la loi sécurité globale.

Et pourtant ils se montrent prêts à revoter pour lui…

Vous n’en savez rien… Ils déclarent cela aujourd’hui, à un moment où une grande partie de la population n’a pas encore choisi ou peut encore changer d’avis en fonction de ce qu’ils vont voir et entendre de la part des candidats. Aujourd’hui, ils peuvent se dire «c’est Macron faute de mieux», sûrement pour éviter Marine Le Pen ou Eric Zemmour. Mais, ils ont attendu tout le quinquennat une avancée de «la jambe gauche» du chef de l’Etat après la suppression de l’ISF et la baisse des APL. Elle n’est jamais venue… Prenez également la loi grand âge qui devait être «l’acte social fort» de ce quinquennat. Macron n’a rien fait. Et sur l’écologie ? Rien. Il a déserté la scène internationale, un des grands acquis du quinquennat de François Hollande avec l’accord de Paris. Le bilan sur les énergies renouvelables est désastreux : il s’était engagé à être, au moins, à 32 % de la part du mix énergétique [en 2030, ndlr]. Nous en sommes à 19 %… Le pire bilan en Europe. Sans parler de la Convention citoyenne sur le climat dont il n’a repris aucune proposition. Ces électeurs sont en attente. Beaucoup d’entre eux se demandent s’ils vont être, une fois de plus, obligés de voter pour empêcher quelque chose plutôt que pour porter une politique, des propositions.

Ils se demandent, du coup, si le vote Hidalgo sera utile…

Il sera très utile parce que c’est le seul vote qui peut permettre à la gauche de gouverner. Ni Mélenchon ni Jadot ne parviendront à créer les conditions du rassemblement d’une majorité de Français. Partout en Europe – et particulièrement en Allemagne – les sociaux-démocrates ont été donnés pour mort. Ce n’est pas ce qu’il s’est passé. Pourquoi ? Parce qu’à un moment donné, les électeurs, dans leur grande majorité, se demandent qui est crédible pour gouverner et qui ne l’est pas. Voilà.

Dans ces pays-là, le candidat avait le soutien entier de son parti. Avez-vous l’impression d’avoir celui du PS ?

Oui.

On a l’impression que vos camarades préfèrent rester sur leurs «territoires» plutôt que de venir vous aider dans cette campagne…

Ce n’est pas le cas. J’ai été très lucide : oui, mon parti a été très affaibli. Mais les groupes parlementaires ont travaillé. Un projet a été réalisé. Je m’en suis inspiré pour mon programme. On nous avait annoncé la perte de toutes nos régions l’an dernier. Non seulement nous les avons toutes gardées mais Carole Delga, en Occitanie, a même été la mieux élue.

Il y a quand même peu de déclarations de soutiens de Carole Delga, ou bien de votre premier secrétaire, Olivier Faure…

Chers amis, vous allez être surpris dans les jours et les semaines qui viennent et j’espère que vous direz votre surprise…

Mais votre parti a-t-il assez travaillé durant ce quinquennat ?

Je ne suis pas là pour donner des notes. On ne procède pas comme ça, d’accord ? Je pars des réalités et j’assume mon rôle.

Vous parlez beaucoup d’écologie. Qu’apportez-vous de plus que Yannick Jadot ?

D’abord, j’ai une expérience grandeur nature de la transformation d’une ville devenue une référence en matière de mobilité. Lors des municipales, Yannick Jadot a expliqué que j’étais une «vieille socialiste productiviste», de «l’ancien monde», et qu’il allait créer une «coalition climat» sans moi, avec – par exemple – Cédric Villani. Résultat des courses : j’ai fait 30 %, ils font 10 %. Et si on veut réussir cette transition, elle ne doit pas se construire contre les plus fragiles.

Vous dites souvent cela au PS. Mais en quoi les écolos négligent-ils la question sociale ?

Par exemple, lorsque je dis qu’il faut baisser temporairement la TVA sur l’essence et la passer à 5,5 %, les Verts disent qu’il faut la maintenir.

Jadot propose un «chèque énergie».

Oui, mais ce type de mesures ne concerne jamais les classes moyennes, celles qui se sont notamment retrouvées sur les ronds-points à l’automne 2018. Autre sujet : le logement social. Pour les Verts – je le vis comme maire de Paris – le logement s’oppose à l’écologie. Je prends un exemple : dans le quartier de Ménilmontant, sur un terrain de 5 000 m², nous avions imaginé un projet de logement social. Les Verts n’en veulent pas. Je suis revenu avec un compromis : 4 000 m² de jardin et 1 000 pour une pension pour les SDF et une crèche. Ils ont refusé. Ce projet ne peut pas voir le jour à cause d’un vote commun des Verts et de la droite. Eux sont dans la rupture de modèles. Nous sommes dans l’accompagnement des transitions.

Etre maire de Paris, n’est-ce pas un handicap ?

Non, les gens aiment Paris et j’ai ma propre histoire. Je suis une femme ayant fait irruption dans le monde du pouvoir où a priori je n’avais pas de légitimité parce que venant de l’immigration, ayant grandi en cité à Lyon, étant inspectrice du travail… Les gens le voient. Souvent ils me disent : «Tu es la seule à avoir une expérience grandeur nature.» Vous savez, on ne s’improvise pas président. Ce n’est pas la Star Ac : c’est un projet, une vision, une capacité à gérer…

Et une incarnation…

Oui et, être maire de Paris, ça donne de l’incarnation.

On dit souvent que vous avez un côté «inoxydable». Ça vient d’où ?

Rien ne m’a été donné, jamais. J’ai la chance d’avoir vu mes parents se battre, ne jamais se résigner, être positifs, tout le temps. Ils m’ont donné une confiance absolue. Venant d’un milieu très modeste, je les ai vus compter les 5 francs qui restaient dans le porte-monnaie mais être là, dignes, fiers et confiants en cette gauche au pouvoir qui peut changer les choses. Bien sûr, on n’a pas tout réussi mais on a fait des choses, y compris dans le quinquennat Hollande : la retraite à 60 ans [pour les carrières longues, ndlr], des droits sociaux qui progressent alors qu’on est en pleine austérité… Je n’ai pas forcément été d’accord avec tout. L’erreur a été la loi travail. Je l’ai dit. Il aurait fallu protéger les nouvelles formes de travail avec les travailleurs des plateformes plutôt que de donner satisfaction à des vieilles revendications… Mais on sait qui était derrière cette loi : Emmanuel Macron.

Vous payez encore cela aujourd’hui…

Mais ce n’est pas grave ! On paie tous quelque chose quand on est engagé en politique. Et alors ? On rase les murs ? On n’a plus rien à porter ? Essayez la France sans la gauche de gouvernement, vous verrez ce que ça donne ! Le pire ennemi des intérêts puissants, qui veulent que rien ne change, ce sont les sociaux-démocrates. Parce que ce sont eux qui se coltinent vraiment au pouvoir.

N’est-ce pas plus dur que ce que vous aviez imaginé ?

Pas du tout. Vous savez, j’ai vécu trois ans de pilonnage systématique entre 2017 et 2020. On me disait perdue. Les médias titraient : «Elle va abandonner» ou «pourra-t-elle être candidate ?» Voyez, rien de tout ça ne s’est produit. J’ai gagné. C’est la vie politique. Ce n’est pas la partie la plus agréable – et je ne suis pas maso, j’adore la vie – mais c’est le prix à payer pour faire bouger les choses. Vous croyez que cela me fera renoncer ? Non. Voilà. Je ne me résigne pas. Vous savez, je connais bien Pedro Sánchez [président du gouvernement espagnol]. Ce qui lui est arrivé…

Racontez-nous…

En 2011, le PSOE [le Parti socialiste espagnol] est effondré. Les barons du parti disent qu’il faut voter [pour le conservateur] Mariano Rajoy pour ne pas que le pays tombe dans l’instabilité. Il refuse, démissionne de la direction du parti et quitte son mandat au Parlement. Ce jour-là, il a pris ses filles par la main et est allé à l’assurance chômage. Pour leur montrer qu’on peut tout perdre. C’est ça la politique : il y a des risques à prendre.

Il y aura donc un bulletin Hidalgo ?

Bien sûr. N’en doutez pas. Je vous le dis les yeux dans les yeux.

Publicité
Commentaires
Publicité
Publicité