Coralie Schaub

Chaque année, nous découvrons avec ­effroi que nous épuisons toujours plus vite les ressources offertes par la planète. ­Chaque année, survient de plus en plus tôt le «jour du dépassement», soit la date ­à laquelle l’humanité commence à vivre à crédit après avoir consommé plus d’arbres, d’eau, de sols ou de poissons que ce que la nature peut renouveler en un an et émis plus de carbone que les océans et forêts peuvent absorber (lire notre infographie sur Libé.fr). En 1971, ce seuil calculé par l’ONG Global Footprint Network était atteint le 24 décembre. En 1980, le 4 novembre. En 2000, le 23 septembre. En 2010, le 9 août. En 2017, le 3 août. Cette année, le 1er août. Et l’an prochain, sans doute en juillet. En 2020 ? L’auteure de ces lignes est prête à se faire appeler Arthur si ce n’est pas plus tôt encore. Car si la prise de ­conscience progresse, nous n’agissons pas à la hauteur du défi, immense. Nicolas Hulot a raison de rappeler, dans une vidéo postée mercredi sur Twitter, que nous avons basculé dans une nouvelle ère climatique, que les fléaux inédits s’en­chaînent : feux de forêt en Suède, canicule au Japon, «record absolu vendredi à Lille, avec 38,6° C».

Il fait bien d’avertir que «tout cela risque d’être une sinistre bande-annonce d’un film catastrophe que nous ­regardons en spectateurs informés». Le ministre de la Transition écologique appelle à l’engagement de chacun. Ce qui revient, pour vous et moi, à éviter l’avion, ne pas gaspiller la nourriture, manger moins de viande, s’abstenir de se jeter sur le dernier IPhone... C'est vrai. C’est important. Mais les autorités ne peuvent se défausser sur la bonne volonté des individus et des entreprises. Cela ne suffira pas à enrayer cette funeste glissade vers l’effondrement imminent de notre civilisation ­redouté par Edouard Philippe. S’il a cité plusieurs fois ce risque ces derniers temps, le Premier ministre ne semble pas en avoir compris la portée et surtout tiré les conséquences. Hulot pointe à juste titre la responsabilité de notre modèle de développement dans le chaos climatique et l’érosion de la biodiversité. Mais «en même temps», l’exécutif ne prend pas de mesures courageuses pour radicalement changer de système, sortir de l’ultraproductivisme mortifère. Il se contente de mesurettes cosmétiques. Pire, il multiplie les incohérences, voire les régressions. Selon des projections officielles, la France dépassera jusqu’en 2023 le plafond d’émissions de gaz à effet de serre qu’elle s’est fixée, entre autres à cause du retard dans la rénovation thermique des logements. Hulot, qui s’était ému de la chute de la population des oiseaux des champs, pourrait autoriser le piégeage de 370 000 alouettes (3,5 fois plus qu’en 2017), s’inquiète la ­Ligue de protection des oiseaux -même si le ministère assure que «rien n'est décidé» et qu'une concertation est en cours-. L'ONG s’insurge aussi du refus par Paris de la proposition de Bruxelles de suspendre la chasse à la tourterelle des bois, autre espèce menacée qui a perdu 80% de sa population en trente ans. Et ce ne sont là que quelques exemples, parmi les plus

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