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La Rose dans la vallée
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6 juin 2018

Comment sortir la gauche du désert

Guillaume Duval, Journaliste. et Christian Paul, Ancien député

Alors qu’Emmanuel Macron poursuit sa «modernisation» sans le peuple depuis un an, les mobilisations peinent à dessiner une alternative. Pour renaître, la gauche doit confronter ses expériences locales, ses expertises profanes ou savantes lors de «chantiers ouverts au public» et d’une université d’été commune en 2019.

Un an après les élections de 2017, qui furent pour les gauches et les écologistes la pire défaite depuis des décennies, c’est peu dire qu’il faut désormais hâter le pas pour trouver la voie d’un nouveau départ. Sous peine qu’à l’affaiblissement de tous succède la disparition de chacun. Les difficultés rencontrées ces dernières semaines pour +mobiliser massivement face aux réformes néolibérales, mises en œuvre par Emmanuel Macron, le montrent clairement.

Comptons les forces

Les citoyens sont, en grand nombre, orphelins de leurs rêves. Les plus optimistes trouvent ailleurs que dans l’action politique matière à participer au monde qui bouge. Les plus en colère, étudiants, cheminots ou militants de toujours descendent dans la rue, sans parvenir toutefois à troubler pour l’instant le discours des puissants. Du côté des syndicalistes, les années de plomb du dialogue social n’épargnent plus personne. Même la CFDT a vérifié que la verticalité du pouvoir ne s’accommode d’aucuns intermédiaires. Emmanuel Macron a désormais engagé à marche forcée une «modernisation» sans le peuple, par et pour des élites issues de l’économie ou de la technocratie d’Etat, tribus que rien ne distingue plus désormais.

Les ambiguïtés du «et de droite, et de gauche» sont dissipées : selon la dernière étude du Cevipof, en mai 2018, seuls 7 % des Français considèrent encore que le président de la République se situerait «à gauche» quand 69 % le classent «à droite», dont 12 % «très à droite». Dans un tel contexte, la gauche aurait théoriquement un boulevard devant elle : beaucoup de nos concitoyens attendent qu’elle se réinvente, sans comprendre pourquoi ce processus s’engage aussi lentement. Pourquoi des calculs de court terme l’emportent encore sur la responsabilité des dirigeants face à l’Histoire. Les organisations politiques de la gauche et des écologistes, devenues terriblement faibles, ne savent plus très bien comment naître, renaître, survivre, selon leur âge ou leur histoire. Leurs tentatives sont honorables, mais aucune ne parviendra à s’imposer dans l’immédiat comme centrale. La dynamique de reconversion (égale réinvention plus reconstruction) des gauches n’est pas encore véritablement engagée, même si quelques briques du nouveau logiciel se fabriquent ici ou là. Il faut donc penser autrement l’avenir que par la juxtaposition d’agendas solitaires.

Où voulons-nous atterrir ?

Les luttes, les résistances ou les défilés organisés jusqu’ici peinent encore à dessiner une nouvelle architecture politique à vocation majoritaire pour demain. Il faut dire que la tâche est immense, tant le brouillage est intense. Et ce n’est pas une affaire de mécanos partisans : sur ce plan, les élections européennes en 2019 risquent plutôt d’aggraver les choses dans l’immédiat avec un mode de scrutin qui pousse une fois encore à la division.

C’est surtout sur le terrain des idées et des projets qu’il nous faut refonder la gauche. Les anciens rapports de domination sont encore là, il faut les combattre sans relâche. Mais de nouveaux clivages se dessinent aussi : personne n’ignore que les grandes mutations en cours (numérisation de la société, choc climatique, inégalités, migrations…) demandent une insurrection de l’imagination collective. C’est cela que l’on attend de la gauche : le pragmatisme ne la sauvera pas dans un pays qui a soif d’idéal autant que de transformations concrètes, qui veut retrouver à la fois sa fierté et des progrès possibles.

Les citoyens attendent des changements profonds dans la société, mais ne supportent plus la façon dont la politique prépare et met en œuvre des changements à leur place. Quand la politique agit sans eux, elle se fait contre eux. Nous ne disposons pas d’un élixir de résurrection et nous ne croyons pas à l’union d’un jour, si elle est cosmétique : +préférons aux manœuvres tactiques, qui ne durent pas, un travail de fond à bon rythme pour abréger la traversée du désert. Nous invitons à penser et à agir, à trois étages.

    • Affichons nos causes communes

      Elles ont une force irrépressible quand on les défend de manière désintéressée. Misons sur celles de ces causes qui réunissent, sans rechercher l’uniformité. Le temps est aux idées neuves qui n’oublient pas les valeurs signatures de la gauche. Mobilisons nos expériences, nos innovations, partageons expertises profanes et savantes, recréons des laboratoires d’idées participatifs - pas un seul, mais dix ! - et fondons dès 2019 une Université d’été communepour organiser ces précieuses confrontations.

    • Faisons de la démocratie le préalable…

      Et pour cela, organisons dans chaque région, des grands «chantiers ouverts au public». La démocratie est en crise alors que les citoyens sont plus que jamais la clé des évolutions souhaitées, pour le diagnostic etpour la mise en œuvre de réponses concrètes. C’est d’ailleurs de cette crise qu’Emmanuel Macron a su tirer le principal carburant de sa victoire, avant de trahir sa promesse de renouveau. Les militants et les dirigeants de la gauche et les écologistes doivent trouver le courage d’une immersion sans complaisance afin d’engager un dialogue direct avec des Français en dehors des formes trop souvent stériles et formatées des débats publics traditionnels. Il s’agit d’abord d’écouter les citoyens, de mieux+ entendre leur vision de la France, mieux comprendre leurs attentes. Et avec eux, d’imaginer une France plus belle, plus libre, plus égale, plus fraternelle.

  • Travaillons à la coalition des forces, par étapes modestes, mais irréversibles

Disons-le sans craindre de choquer : l’ambiance est actuellement à la compétition darwinienne entre les confettis de la gauche. Les lendemains de catastrophe politique sont rarement favorables au rassemblement, plus souvent à l’aggravation de l’émiettement. Mais c’est une catastrophe d’inspiration néolibérale, réveillant les vieilles croyances thatchériennes, qu’il faut éviter à la France, et pour cela redonner à la gauche un projet d’avenir qui soit partagé par le plus grand nombre. Les gauches peuvent instruire leurs désaccords sans s’excommunier. Et nous sommes en droit d’attendre d’elles que par étapes, elles retrouvent le goût et la volonté d’être ensemble.

Douze mois l’ont prouvé : personne n’incarnera à lui seul l’opposition à Emmanuel Macron. Et personne n’évitera de méditer les vraies leçons de l’exercice du pouvoir. Toutes les initiatives qui viennent donner de la force collective sont les bienvenues.

Nous invitons à une coalition par étapes, autour d’objectifs atteignables. Pour cela, il faut un lien permanent, sans exclusive, entre tous ceux qui disent clairement que le «nouveau monde» qu’on veut imposer à la France n’est, en réalité, qu’un avatar de tous les archaïsmes. Si on veut bien écouter les citoyens, on entend que déjà, ils n’en peuvent plus de l’impuissance qu’ils ressentent. Alors, ne tardons pas à forger avec eux quelques bonnes raisons d’espérer.

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