On appelle ça une belle prise. L'eurodéputé socialiste, l’ancien syndicaliste et l’un des visages de la lutte pour sauver Florange a décidé de soutenir Benoît Hamon lors de la primaire de la Belle alliance populaire (BAP). Alors que ces dernières années, il affichait une certaine proximité avec Arnaud Montebourg. Edouard Martin explique son choix à Libération.

Pourquoi avez-vous décidé de soutenir Benoît Hamon à la primaire ?

Son programme me touche. Il me correspond le mieux. Benoît souhaite donner plus de place à la société civile, il ne tombe pas dans le débat hypocrite sur le cannabis qu’il veut légaliser. Et pour lui, le travail est un lieu d’émancipation, et non pas un lieu de souffrance. Pour moi, l’ancien ouvrier qui a passé trente-cinq ans en usine, ce discours me parle. Il a compris les choses. Car, depuis de longues années, lorsque les politiques parlent de travail, c’est toujours en termes de coût au détriment des travailleurs. Et ça, ce n’est plus possible.

Il y a eu un déclic, un coup de foudre ?

J’observe Benoît depuis un petit moment. Notre première rencontre remonte à quelques années. C’était lors d’un débat à Paris. Tous les intervenants dégueulaient sur l’Europe. Et lui, contrairement aux autres, a souligné l’importance d’une Europe plus sociale. Et je me suis dit, tiens, ce n’est pas le vilain gaucho qui est contre tout, comme certains aiment le décrire. Sinon, récemment, son passage à l’Emission politique de France 2 m’a marqué. Je l’ai trouvé excellent. J’ai vu un homme qui connaît ses dossiers et qui a une vision pour la France : le partage du travail, le revenu universel et la place des citoyens dans une démocratie.

Vous soutenez la candidature de Benoît Hamon alors que vous êtes un proche d’Arnaud Montebourg. Vous confirmez ?

C’est vrai, j’ai beaucoup de sympathie et d’amitié pour Arnaud Montebourg que j’ai connu sur le dossier Florange. Moi j’étais le syndicaliste et lui, le ministre. Je l’ai toujours dit, et je le répète, Montebourg a fait le job sur le dossier. Même si la fermeture des hauts-fourneaux reste une décision amère dans nos esprits. Néanmoins, sans lui à ce moment-là, on n’aurait pas réussi à limiter la casse.

Quelles sont les différences majeures entre Benoît Hamon et Arnaud Montebourg ?

Les deux sont à peu près sur la même longueur d’onde. On va dire que Benoît est plus européen et moins souverainiste. Mais je n’ai aucun grief contre Montebourg. Si demain, Arnaud se retrouve face à Valls au second tour, je n’hésiterais pas un instant à le rejoindre. Et j’espère qu’il en fera autant si c’est Hamon qui passe au second tour. A mon avis, il n’y aura pas de débat à ce sujet.

Arnaud Montebourg est au courant de votre choix, ou bien il va le découvrir dans cette interview ?

Non, il n’est pas au courant. Mais je l’avais croisé il y a quelques mois, c’était juste avant qu’il annonce sa candidature. Et je l’avais prévenu que mon choix se porterait sur un projet et pas sur un homme. Aujourd’hui, j’ai choisi le projet de Benoît.

La fin du quinquennat Hollande approche, quels sont les mots qui vous viennent à l’esprit pour le définir ?

La perception qui est la mienne est partagée par beaucoup : le quinquennat est dominé par le flou. On n’a jamais su où le Président voulait nous emmener. Dès son arrivée au pouvoir, il y a eu un matraquage fiscal car les finances étaient dans le rouge et qu’il fallait rembourser la dette. Et ça, personne ne l’a compris car il n’avait pas été élu pour ça. Et c’est à ce moment qu’il a manqué de pédagogie. Il aurait dû s’adresser aux Français de manière claire et expliquer les choses. Tout le monde n’aurait pas applaudi. Mais les gens auraient été au courant de la situation.

Hier, vous étiez ouvrier, syndicaliste. Aujourd’hui, vous êtes député européen. Il vous arrive parfois de regretter ou bien de vous demander «qu’est-ce que je fous là» ?

Je me dis plutôt que ce n’est pas mon monde. Je ne veux pas jeter la pierre à mes collègues, j’ai même envie de dire qu’ils ont des circonstances atténuantes parce qu’ils ne connaissent pas la vraie vie. Il y a très peu, voire pas, de collègues qui savent ce que ça veut dire concrètement de vivre avec un Smic. Ça peut paraître anecdotique et même faire sourire, mais la fameuse question posée à Copé sur le prix d’un pain au chocolat donne une idée de la déconnexion totale des politiques.

Rachid Laïreche