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La Rose dans la vallée
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2 octobre 2015

Travailler mieux, moins, tous pour gagner plus

Le Figaro titre « Les Républicains face au casse-tête de la sortie des 35 heures » et « Nicolas Sarkozy renvoie la durée du travail à des accords d’entreprise, en promettant que chaque heure travaillée sera rémunérée » A t il conscience quand il concède : « Chaque heure travaillée sera rémunérée » ?

Encore heureux n’est-ce pas ? La première vérité, c’est qu’il s’agit pour Sarkozy ou son émule Macron, de baisser le salaire puisque les heures supplémentaires ne seront plus majorées à partir de la 36° heure.

La seconde vérité c’est qu’il s’agit de tenter de faire tourner la roue de l’histoire à l’envers. Car l’histoire du droit du travail depuis 175 ans, c’est celle de la réduction du temps de travail. Il a fallu 80 ans pour passer de la journée de 17 h à celle de 10 h entre 1840 et 1920. Il a fallu 70 ans pour passer de la semaine de 40 h à celle de 35 h entre 1936 et 2002.

Et pendant tout ce temps, on a fait quatre choses en même temps :

  • 1°) entre 1936 et 2002, on a produit énormément plus, personne ne le nie
  • 2°) entre 1936 et 2002, on a doublé le nombre de salariés puisqu’on est passés de 9 5 millions environ à 18 millions.
  • 3°) entre 1936 et 2002, on a gagné plus, personne ne le nie non plus
  • 4°) et on a fait cela en diminuant la durée du travail de 40 à 35 h. Et on a rajouté 5 semaines de congés payés !

Il a donc été prouvé, dans les faits, pendant 70 ans, (en dépit d’une guerre mondiale et deux guerres coloniales destructrices) qu’on pouvait « travailler mieux, moins, tous, en gagnant plus ».

Pourquoi inverserait on cette tendance aujourd’hui ?

Si on avait encore une durée du travail de 40 h, on aurait 10 millions de chômeurs.

Et on est certains que les 35 h en 2002, même réalisées dans des conditions très flexibles, ont, de l’avis unanime, créée 400 000 emplois de plus que les autres pays à croissance égale.

Si on a 6 millions de chômeurs aujourd’hui, c’est parce qu’on est désormais et à nouveau en retard dans la réduction du temps de travail.

Ceux qui nient qu’on puisse « partager le travail » mentent : car le travail est partagé, toujours partagé, forcément partagé ! Soit sauvagement avec des combinaisons de temps plein excessifs, de temps partiels subis et de chômage de masse, soit par la régulation autour d’une durée légale adaptée, contrôlée et sanctionnée par la loi.

Il n’y aura jamais de réduction de l’actuel chômage de masse sans passer aux 32 h ou aux 30 h. Cela implique à la fois de partager le travail et les richesses qu’il produit. D’autant que nous sommes en plein boom démographique depuis l’an 2000 avec 850 000 naissances par an : ces bébés vont commencer à arriver sur le marché » du travail en 2018 et chaque année, nous aurons 400 000 demandeurs d’emploi supplémentaires. Comme les progrès technologiques s’accélèrent, la mutation numérique imposera la semaine de 4 jours, de 32 h et bien davantage ensuite, sauf à créer les conditions d’une explosion sociale géante.

Evidemment c’est le moment que choisissent des « gourous » libéraux pour vanter une catastrophique « ubérisation » de la société, c’est à dire très peu de salariés (« seule l’élite sera salariée » dit Attali) et des nébuleuses de serfs tout autour, « indépendants » ou pseudos « auto-entrepreneurs » sans horaire, ni salaire, sans droit ni loi. Tous VTC en quelque sorte ?

Mais personne ne saurait se rabaisser à cette société à la Mad Max, au retour à la jungle féroce du salariat sans droits, des loueurs de bras à bas salaire aléatoire, des journaliers flottants autour d’un chœur de riches privilégiés.

C’est pourquoi il y va de la survie sociale collective de défendre le mouvement historique de la baisse programmée, progressive de la durée du travail. Non seulement c’est la seule solution pour l’emploi, mais c’est aussi la seule pour la santé physique et morale des salariés. Car le stress, le harcèlement, de multiples risques sociaux, le burn out accompagnent l’actuelle élévation des durées du travail, lesquelles sont déjà, hélas plus proches, dans les faits, de 41 h que de 35 h. Ce ne sont plus les coups de grisou comme du temps de Zola, qui tuent mais c’est pire, ce sont les AVC : il y a 250 000 accidents cardiaques et vasculaires par an dont la moitié sont liés au travail. C’est aussi pourquoi en plus de la durée légale, il faut baisser les durées maxima du travail de 48 h vers 40 h. Redonner du travail à tous, de la santé, du temps pour vivre va de pair avec la redistribution des richesses. La France n’a jamais été aussi riche de son histoire, c’est le moment pour le faire.

 

Gérard Filoche (dans l’Humanité, le 1 er octobre 2015)

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