L'amélioration des conditions de travail doit être un objectif permanent et la prévention des risques fait corps avec le développement économique. Il est inacceptable que l'espérance de vie d'un ouvrier âgé de 35 ans soit inférieure de six ans à celle d'un cadre. C'est dans ce contexte qu'est né le compte personnel de prévention de la pénibilité inscrit dans la loi sur les retraites de 2013. Après son adoption par l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, premier ministre en exercice, avait dit sa fierté et Marisol Touraine avait souligné une grande avancée sociale. Le compte pénibilité mérite notre appui sans faille.
En 2008 et après d'âpres négociations, les partenaires sociaux ont abouti à l'adoption d'une liste de dix facteurs d'exposition à la pénibilité. La loi Woerth de 2010 sur les retraites a traduit la pénibilité de façon très restrictive, avec une vision réparatrice et médicalisée, reconnaissant seulement quelques six mille salariés.
DOUBLE CONSTAT
A l'inverse, la loi de 2013 établit un principe universel avec la création d'un compte personnel pour des millions de salariés du secteur privé qui pourront ainsi bénéficier d'une formation, d'un temps partiel ou d'une retraite anticipée. Sur ce dossier emblématique et tout au long de nos travaux, nous avons fait un double constat : la volonté commune de toutes les organisations salariales d'aboutir et l'hostilité, perceptible dès la publication du rapport Moreau sur les retraites, des organisations patronales.
Tous les acteurs de ce dossier complexe savaient parfaitement que les discussions sur la fixation des seuils et les durées d'exposition avant la rédaction des décrets d'application seraient difficiles, d'où la mission confiée par Marisol Touraine à Michel De Virville. Ses préconisations, fruit d'un long travail de concertation, ont été très largement saluées. Elles respectent le cadre fixé et le droit existant.
Face à l'obstination des adversaires du compte pénibilité, nous avons multiplié les alertes auprès des ministères concernés et reçu une écoute attentive. Nous avons également rencontré les partenaires sociaux qui le souhaitaient. Mais le travail de sape des organisations patronales n'a jamais faibli jusqu'à l'appel adressé au président de la République et au premier ministre dans Le Journal du Dimanche du 28 juin 2014.
Le compte pénibilité y est dépeint de façon caricaturale : « pas assez travaillé, inapplicable, coûteux », faisant écho à d'autres accusations telles « usine à gaz, nid à contentieux… »
La déclaration du premier ministre parue dans Les Échos le 1er juillet, en réponse à leurs exigences outrancières et en pleine discussion sur le Projet de Loi de Financement Rectificative de la Sécurité sociale pour 2014, fut pour nous une véritable surprise.
Quatre facteurs de pénibilité seulement seront pris en compte au 1er janvier 2015 (date d'entrée en vigueur de la loi) renvoyant à plus tard notamment les postures pénibles et la manutention lourde ou les risques chimiques. Le financement est reporté et réduit à un niveau minimal.
Le compte personnel de prévention de la pénibilité est une grande conquête sociale qui vient renforcer le droit des salariés à la santé et la sécurité au travail. Nous considérons qu'il ne doit pas être découpé en tranches et nous appelons à son financement progressif dès la première année.
Gérard Sebaoun est également président du groupe d'études à l'Assemblée nationale « Pénébilité du travail, santé au travail et maladies professionnelles ».