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La Rose dans la vallée
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19 novembre 2013

Jean-Marc Ayrault : «Le temps est venu d’une remise à plat de notre fiscalité»

 

INTERVIEW - Le Premier ministre annonce aux «Echos» qu’il recevra les partenaires sociaux «dans les prochains jours» pour engager un débat sur la fiscalité et les dépenses publiques. Se posant en «réformateur», il promet que la question de la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG sera sur la table.

Jean-Marc Ayrault - AFP
Jean-Marc Ayrault - AFP

Dans une interview accordée aux « Echos », Jean-Marc Ayrault affiche, face à la contestation fiscale qui persiste, sa fermeté – pas question de bouger sur la TVA – , tout en créant la surprise : le Premier ministre estime que « le temps est venu d’une remise à plat, en toute transparence, de notre système fiscal ». Il va rencontrer à cet effet les partenaires sociaux « dans les prochains jours ».

Le débat portera sur la fiscalité des ménages et des entreprises, mais aussi sur le niveau des dépenses publiques. La fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu « fera partie du débat ». L’objectif est de parvenir à « des règles plus justes, plus efficaces et plus lisibles » d’ici au budget 2015. Les économies sur les dépenses dépasseront 45 milliards d’euros sur la période 2015-2017, en plus des 15 milliards prévus en 2014.

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La contestation sociale s’amplifie chaque jour un peu plus. La société française est-elle au bord de l’explosion ?

En réalité, je suis plus confiant aujourd’hui sur les capacités de la France à se redresser qu’il y a un an. Nous avons commencé à le faire résolument. Tout cela est difficile : l’effort fiscal n’est pas toujours bien compris et dès que l’on commence à toucher aux dépenses, il y a une inquiétude. Cette ambiance de doute ne m’étonne pas ; elle est compréhensible. Elle tient au fait que par le passé l’Europe a été secouée et le navire France endommagé. Pendant cinq ans, la France a connu en moyenne une croissance zéro, ce qui signifie des destructions d’emplois et une dégradation de nos finances publiques.

Nous sommes en train de réparer le navire. Aujourd’hui, les Français ont besoin de bien comprendre et d’être éclairés davantage encore sur la situation du pays, sur ses difficultés propres qui ne datent pas d’hier, en disant clairement d’où nous sommes partis et où nous voulons aller.

 

D’où tirez-vous cette confiance ?

Nous avons enrayé la spirale négative dans laquelle nous étions. Si nous n’avions rien fait, nous serions à 6% de déficits et dans une situation extrêmement difficile – il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître. Nous avons également stabilisé la Zone euro grâce à l’action du président de la République. Et nous sommes, en Europe et en France, au début d’une reprise économique, lente mais réelle. La perspective de croissance est de 0,4% au 4e trimestre, de l’ordre de 1% l’an prochain et autour de 1,7% en 2015.

Notre politique a un cap, c’est le redressement, et il doit être rappelé. Mais il faut faire attention : tout cela doit se faire dans la transparence et le dialogue permanent. Nous avons toujours refusé des coupes sombres, brutales, dans les services publics. Je ne veux pas qu’on nous impose de l’extérieur des modèles qui ne correspondent pas aux valeurs de la France.

 

Mais vos reculs, en matière de fiscalité notamment, n’ont-ils pas affaibli l’autorité de l’Etat ?

A chaque fois, nous parvenons à une solution qui permet d’avancer. C’est le cas pour la fiscalité des entreprises. J’ai décidé la suspension de l’écotaxe, sans donner des délais, dans un souci d’apaisement et de dialogue, parce que j’ai senti qu’il y avait un blocage profond notamment en Bretagne, région la plus éloignée et qui traverse des difficultés réelles. Sans doute que le gouvernement précédent s’y est mal pris. L’écotaxe a été conçue en 2009. Il y a des erreurs de conception, de mise en œuvre et un contrat contesté.

D’ailleurs, sur l’écotaxe, la contestation persiste…

L’écotaxe était devenue le point de fixation d’une crise plus globale et il fallait à tout prix retrouver la voie du dialogue dans un souci d’apaisement. J’ai proposé à l’Assemblée nationale, qui avait voté la loi sur l’écotaxe, de jouer pleinement son rôle. La mission d’information parlementaire va commencer ses consultations et fera ses propositions. Il faudra aller au fond des choses, parce que cette taxe poids-lourds sert aussi à faire payer nos routes et nos trains par les transporteurs étrangers, qui aujourd’hui les utilisent sans participation de leur part.

 

La suspension ira-t-elle au-delà de 2014 ?

Il faudra prendre le temps qu’il faut. Nous n’agissons pas dans l’urgence.

 

La contestation monte aussi sur la hausse de la TVA au 1er janvier. Craignez-vous le même phénomène de rejet généralisé, comme sur l’écotaxe, avec des professionnels (restaurateurs, artisans, ambulanciers, etc.) se liguant contre la hausse ?

Il faut tenir un discours de vérité. Cette hausse modérée a été décidée et votée il y a un an à la suite du rapport Gallois pour financer le crédit d’impôt compétitivité et emploi (CICE). A l’époque, tout le monde avait salué cette mesure visant à alléger le coût du travail de 20 milliards d’euros. Toutes les entreprises, même petites, vont en profiter. Et, comme la hausse de la TVA ne finance qu’un tiers du CICE, les entreprises seront largement bénéficiaires.

 

Vous ne bougerez donc plus, désormais, même pour des gestes ciblés comme sur les transports ?

Revenir sur la hausse de la TVA pour certains secteurs, ce serait revenir sur la baisse du coût du travail. Et cela, il n’en est pas question. Nous n’allons pas détruire ce que nous sommes en train de construire. L’amélioration de la compétitivité des entreprises est dans l’intérêt de tous les Français.

 

Comment sortir de ces conflits, de ces contestations, qui se déclarent les unes après les autres ?

Le système fiscal français est devenu très complexe, quasiment illisible, et les Français, trop souvent, ne comprennent plus sa logique ou ne sont pas convaincus que ce qu’ils paient est juste, que le système est efficace. Or, dans un Etat démocratique, l’impôt est un acte citoyen : c’est la contribution à l’effort collectif, c’est la base du pacte social. C’est la condition des prestations sociales et des services publics dont bénéficient les Français. Je crois que le temps est venu d’une remise à plat, en toute transparence, de notre système fiscal. A prélèvements obligatoires constants, je le précise bien. Jusqu’ici, nous avons répondu à l’urgence pour redresser la barre. Il nous faut désormais bâtir pour l’avenir.

 

La réforme de la fiscalité des entreprises était déjà annoncée…

Nous avons besoin d’un débat beaucoup plus global, sur la fiscalité. C’est un véritable enjeu de compétitivité pour les entreprises et de pouvoir d’achat pour les ménages. Nous avons aussi besoin d’un véritable débat sur le niveau de la dépense publique (56,6 % de la richesse nationale), qui est élevé aujourd’hui. Nous allons réaliser 15 milliards d’euros d’économies en 2014, mais il faudra continuer au moins au même rythme en 2015, en 2016, en 2017.

 

Comment allez-vous procéder ?

Cette remise à plat va bien évidemment nécessiter un dialogue approfondi. Je vais rencontrer dans les prochains jours l’ensemble des partenaires sociaux. Dans ce dialogue, on évoquera la politique de l’emploi, les investissements, la formation professionnelle et le pouvoir d’achat. Le Parlement aura aussi un rôle essentiel à jouer.

 

Visez-vous le budget 2015 ?

Oui. Au terme de la concertation, le gouvernement prendra ses responsabilités comme il l’a fait pour les retraites, et fera ses propositions au Parlement.

 

Ne craignez-vous pas l’impasse, au vu du climat actuel autour des questions fiscales et à l’approche des élections de 2014 ?

Comme le président de la République, je suis un réformateur. L’immobilisme, c’est le déclin. Ma responsabilité, c’est de préparer l’avenir dans le dialogue et la confiance. Il faut avoir le courage et la lucidité de remettre les choses à plat. Cela obligera chacun à se positionner, majorité comme opposition, et à dire quel doit être le bon niveau de la dépense publique et comment on fait pour la financer. Tout en respectant scrupuleusement nos engagements de réduction du déficit public.

 

La fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG sera remise sur le métier ?

Cette question fera partie du débat. L’objectif c’est de parvenir à des règles plus justes, plus efficaces, et plus lisibles.

 

Le Medef s’est ému du vote de l’Assemblée nationale de plusieurs amendements restreignant les possibilités d’optimisation fiscale des grandes entreprises…

Les grands groupes du CAC 40 s’émeuvent un peu vite. Que les parlementaires aient souhaité moraliser les systèmes d’optimisation fiscale n’est pas choquant. C’est une mise en garde, un appel pour modérer les pratiques. Nos entreprises du CAC 40 sont très dynamiques, ce qui est une chance pour la France. Nous devons la préserver. Mais il faut aussi lever les contraintes pesant sur les TPE et les PME, les faire grandir. Nous avons déjà fait beaucoup pour les entreprises, avec les assises de l’entreprenariat, la simplification, la baisse du coût du travail, etc. Il ne s’agit pas de faire des cadeaux mais d’être efficace pour l’emploi, pour la croissance. Et cela va payer. Il faut du temps pour que le Pacte de compétitivité produise ses effets, même chose pour les investissements d’avenir. Nous entrons dans un cycle de reprise de la croissance, et, nous, nous nous donnons les moyens pour qu’elle accélère.

La grogne, c’est aussi celle des maires sur les rythmes scolaires. Une pérennisation du fonds d’aide de l’Etat est-elle envisageable ?

Cette réforme est fondamentale dans l’intérêt des enfants. Elle touche à des habitudes, mais elle est nécessaire pour le pays et l’avenir de nos enfants. Ils ont 140 jours de cours contre 180 en moyenne dans les autres pays européens. Tous les professionnels se retrouvent là-dessus. Le cœur de la réforme, c’est le nombre d’heures de cours, les programmes, la formation des maîtres, la transmission des savoirs, les horaires. C’est L’Etat à travers le ministère de l’Education nationale qui en a la responsabilité.

Après, il y a la question des temps périscolaires, qui relève des municipalités. C’est là qu’il y a des inquiétudes des maires, et je les comprends. Il faut leur laisser le temps de s’organiser et les aider, y compris financièrement, à être prêts pour la prochaine rentrée.

J’ai été 35 ans maire, je sais que ce n’est pas toujours facile. Je suis à leurs côtés. Je suis là pour les aider à réussir, ensemble.

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