«En ce qui concerne le RSA, il faudrait un minimum de présence sur le territoire national [pour en bénéficier], ce qui n’est pas le cas.»

Jean-François Copé, président de l'UMP, le 10 octobre sur France 2.

«Pour avoir droit au minimum vieillesse, on ne peut pas se contenter de dire aux gens : «Il suffit que vous soyez en France depuis six mois ou un an.»

Hervé Mariton, député UMP de la Drôme, le 8 août sur BFM TV.

INTOX. C’est un inépuisable marronnier de la droite. La générosité inconséquente de la France vis-à-vis des étrangers viendrait nourrir le flux migratoire. Jeudi, sur France 2, Jean-François Copé a voulu en donner un exemple : «En ce qui concerne le RSA, il faudrait un minimum de présence sur le territoire national, ce qui n’est pas le cas.» Deux mois auparavant, le député Hervé Mariton avait proposé une petite variante, à propos du minimum vieillesse. «Vous savez très bien que sur Internet a beaucoup buzzé la question de savoir à partir de quelle durée de résidence en France une personne étrangère n’ayant pas travaillé en France avait droit au minimum vieillesse. Eh bien, les termes actuels, qui sont ceux de quelques mois de résidence, ne sont pas acceptables… Et c’est une exigence très forte et très légitime de nos concitoyens. Pour avoir droit au minimum vieillesse, on ne peut pas se contenter de dire aux gens : "Il suffit que vous soyez en France depuis six mois ou un an."»

DESINTOX. Après Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez ou Marine Le Pen, Copé et Mariton répètent là une intox usée jusqu’à la corde et déjà dénoncée par Désintox. Mais puisqu’ils recommencent, recommençons aussi. Le RSA peut bien bénéficier aux étrangers en situation régulière. Selon les chiffres de la CAF, au 31 décembre 2011, 13,2% des bénéficiaires du «RSA socle» étaient des étrangers non communautaires, soit environ 155 000 personnes. Une proportion stable, y compris quand on remonte au RMI, l’ancêtre du RSA. En 2004, la proportion d’étrangers non européens parmi les bénéficiaires du RMI était de 13,3%. Mais, contrairement à ce qu’affirme Copé, il a toujours existé une condition d’antériorité de résidence sur le territoire. Le bénéficiaire doit justifier de cinq années de titre de séjour avec autorisation de travailler (1). Cette durée exigée était de trois ans pour le RMI. Elle a été relevée à cinq ans en 2003 et a donc été maintenue quand le RSA a remplacé le RMI en 2008. Avec toutefois un subreptice durcissement : la condition de résidence préalable est désormais étendue au conjoint du demandeur. Un couple d’étrangers pouvait bénéficier du «RMI couple» si l’un des deux était sur le territoire depuis cinq ans (l’autre devant être en situation régulière). Pour bénéficier du «RSA couple», les deux doivent justifier de cinq ans de présence. Dans tous les cas, Copé dit n’importe quoi.

RSA étrangers

Hervé Mariton également, à propos de l’accès des étrangers au minimum vieillesse, désormais appelée Aspa (allocation de solidarité aux personnes âgées). Les conditions d’antériorité de résidence imposées aux étrangers (1), qui étaient de cinq ans comme pour le RSA, ont même été passées pour l’Aspa à dix ans en 2011, sous l’influence de la droite populaire. Contacté par Libération, Hervé Mariton a dû concéder son «erreur», non sans essayer de se justifier en invoquant «l’augmentation de la part des étrangers parmi les bénéficiaires du minimum vieillesse n’ayant jamais cotisé». Ce qui est une autre intox.

Depuis que la droite accrédite l’idée (fausse) que les étrangers n’ont qu’à mettre un pied en France pour bénéficier du minimum vieillesse, elle consacre ses attaques sur les bénéficiaires étrangers n’ayant jamais cotisé. Alors que les bénéficiaires de l’Aspa sont environ 600 000 en France, le nombre de bénéficiaires n’ayant jamais cotisé est de 70 000. Un tiers sont des étrangers. Mais contrairement à ce que dit Hervé Mariton, la proportion est en baisse selon les derniers chiffres. Les étrangers extra-européens représentaient 38,4% des nouveaux bénéficiaires en 2011 et 32,7% en 2012. Une baisse s’expliquant en partie par le passage de cinq à dix ans de la durée de séjour exigée, même si les chiffres montrent qu’en moyenne, l’antériorité de résidence excédait déjà dix ans. Entre 2008 et 2011, les nouveaux attributaires étrangers du minimum vieillesse n’ayant jamais travaillé en France étaient en moyenne présents sur le territoire depuis presque onze ans. Alors que la loi n’imposait encore «que» cinq années.

(1) La condition de durée de résidence ne s’applique pas aux réfugiés, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux apatrides.

Cédric MATHIOT et Sarah BOSQUET