Monsieur Hollande, venez-vous chercher ici le soutien des gens de lettres ?

C’est moi qui suis venu donner le soutien d’un candidat à l’élection présidentielle au livre, parce que c’est l’outil de la connaissance, de la transmission, de l’émotion, et que ce vecteur qui est si important pour la diffusion de la culture est aujourd’hui menacé. Menacé par une évolution technologique, le numérique, menacé par une fiscalité qui ne lui est pas favorable. Il y a eu une décision malheureuse, maladroite, mal pensée, qui a été celle du candidat sortant d’augmenter la TVA sur le livre.

Je tiens aussi à apporter mon soutien aux libraires. Il n’y a pas de lecture s’il n’y a pas de libraires. Nous devons aussi promouvoir les lectures publiques. De ce point de vue, le réseau des bibliothèques et des médiathèques est un atout considérable. Donc, je viens prendre des engagements pour dire à ce qui est la plus grande pratique culturelle en France, la lecture, tout mon soutien, tout mon encouragement. Je viens prendre des engagements pour une politique qui en fera la promotion, et qui fera la promotion de la langue. Car la langue française est aussi un patrimoine et un atout. Patrimoine parce que c’est ce qui nous appartient à tous, et atout parce que c’est la promotion, également, de notre culture.

Quel regard portez-vous sur la politique de Nicolas Sarkozy en la matière depuis cinq ans ?

Chacun fait comme il l’entend. C’est aussi un signe d’une politique : la culture a été, pendant ces cinq ans, abandonnée, oubliée. Et je pense que la culture veut oublier cette période-là.

Il y a quelques années, le Président parlait de La princesse de Clèves…

C’était mettre en cause le travail de tous ces professeurs qui veulent transmettre les plus beaux livres de notre patrimoine, les émotions qui ont pu être celles de générations et de générations, mais aussi le sens de l’effort. C’est vrai que pour comprendre un livre, un passage, cela suppose un investissement demandé à l’élève. Quand en plus, au sommet de l’Etat, on nie l’existence de cet effort ou qu’on se moque du travail du professeur, c’est un mépris qui est ressenti très largement.

Nous devons promouvoir la littérature, toutes les littératures : littérature de notre patrimoine, littérature plus récente, littérature française, littérature étrangère en langue française. Et la francophonie est, là aussi, un élément très important pour notre pays. Il y a près de 300 millions de personnes dans le monde qui parlent le français. Il y a même des auteurs étrangers qui écrivent en français. Vous en trouvez de nombreux partout dans le monde, qui font cet effort. Certains d’entre eux ont même reçu des prix français comme le prix Goncourt.

La langue française est au service de la diversité, de l’exception culturelle, elle est au service de l’humanité.

Mais pour revenir à votre question, c’est la première fois qu’une princesse va s’engager autant dans la campagne présidentielle…

Vous allez passer six heures ici au salon. Comment faites-vous pour tenir ?

J’avais passé aussi beaucoup d’heures au Salon de l’agriculture ! Je le fais par plaisir. Je le fais aussi par volonté de rencontrer le plus grand nombre d’acteurs culturels, d’écrivains, d’auteurs, mais aussi de lecteurs. Et c’est très important d’avoir ce retour. Vous avez entendu, ou vous entendrez tout au long de mon passage, ce qui m’est dit : tenez bon, courage, allez-y jusqu’au bout. Et puis aussi, ce qu’ils veulent me faire passer comme message pour la lecture, l’écriture, la création – c’est aussi un élément que je veux prendre dans toute sa dimension. Et ce soir, je ferai un discours sur la culture. Vous allez me dire : un de plus ! Oui, parce que je considère que la culture doit avoir toute sa place dans la campagne présidentielle et qu’être chef de l’Etat, c’est porter un projet culturel.

Comment combattre la fatigue ? Vous êtes en campagne depuis très longtemps. Comment ferez-vous pour ne pas vous épuiser, vous fatiguer ?

Je suis infatigable et inépuisable. Ceux qui espèrent un relâchement n’ont, à mon sens, aucune chance d’obtenir ce résultat. C’est vrai que je suis en campagne depuis un an, que je développe mon message, présente mes propositions. J’ai établi 60 grands engagements pour la France, quand le candidat sortant se disperse, multiplie les annonces, ne veut pas évoquer son bilan. Donc j’essaie d’être dans cette relation de cohérence, de confiance et de constance avec les Français. C’est ce qu’ils attendent du prochain président de la République, quand le précédent a été celui de l’incohérence et de l’inconstance.

Quel livre vous a le plus marqué dans votre vie ?

Le livre qui m’a le plus marqué dans ma jeunesse, c’était Les misérables.

Pourquoi ?

Parce que c’était la prise de conscience que les désordres, les inégalités pouvaient être à la fois décrites par Victor Hugo et vaincues par la volonté humaine. Ensuite, c’est Camus qui m’a inspiré, là aussi. Sisyphe. Vous voyez, Sisyphe ? Pour cette campagne : continuer à porter son rocher sans cesse, porter son rocher, aller jusqu’au bout et faire en sorte qu’à la fin, je puisse continuer encore à le faire. Dans une campagne, c’est ce qu’il faut faire sans cesse. Il y a toujours une attention qui, à un moment, se distrait. Et donc il faut reprendre, encore. Jamais cesser. Et dans toute ma vie politique, j’ai fait en sorte, à chaque fois, de monter au plus haut. Et là, je suis en train de gravir mon rocher.

Que pensez-vous du Salon du livre ?

C’est une rencontre formidable, quand même ! D’abord entre des écrivains et leur public. Et ensuite, entre tous les auteurs qui sont attachés à une même cause : celle de la littérature, de l’émotion, de la transmission. Et donc c’est un rassemblement populaire, dans un lieu vaste, où chacun peut venir pour aller chercher un livre qu’il ne connaît pas encore. C’est la découverte. Chacun va déambuler et va, à un moment, faire son choix sur ce qu’il n’avait pas prévu de faire. C’est la différence avec la politique, où il faut faire ses choix assez en amont et ne pas en changer.

Merci.